Alors que les autorités assouplissent les restrictions, la Chine fait face à de nouveaux risques de pandémie

Alors qu’un pays après l’autre a succombé aux épidémies cette année, la Chine a tenu le coronavirus à distance, gagnant un temps précieux pour se préparer à l’inévitable : une variante du virus si sournoise et contagieuse que la Chine, elle aussi, aurait du mal à la contenir.

Mais plutôt que de jeter les bases de ce scénario, la Chine a renforcé son engagement envers «zéro Covid», en déployant des verrouillages instantanés et la recherche des contacts.

Entre-temps, les vaccinations quotidiennes sont tombées à des niveaux record. Les lits de soins intensifs sont restés rares, même si les travailleurs ont construit des cabines de test et des installations d’isolement. La recherche sur les vaccins à ARNm locaux n’a pas réussi à suivre le virus à mutation rapide.

Aujourd’hui, les coûts de cette approche s’accumulent, plaçant la Chine dans une impasse dont il ne semble pas y avoir de sortie facile, ont déclaré des scientifiques lors d’entretiens.

Alors même que les nouveaux cas de Covid ont atteint des sommets sans précédent, les habitants sont descendus dans la rue pour protester contre les blocages qui ont paralysé la vie quotidienne dans de nombreuses villes. Alarmés, les responsables ont commencé à assouplir les restrictions.

Les chercheurs craignent que la Chine ait du mal à rouvrir le pays et à soulager la pression sur son économie sans risquer une marée de morts. Une telle poussée catastrophique pourrait constituer une menace importante pour les dirigeants politiques.

“Nous prétendons souvent que la Chine a le choix entre” zéro Covid “et l’ouverture”, a déclaré le Dr Siddharth Sridhar, virologue à l’Université de Hong Kong. « Il n’y a jamais eu de choix. Le simple fait est que la Chine n’est pas prête pour une vague de cette ampleur.

Rien n’a autant retardé les préparatifs de la Chine que sa difficulté à vacciner les personnes âgées. Les deux tiers des personnes âgées de 80 ans et plus sont vaccinées, mais seulement 40% ont reçu une dose de rappel, une lacune critique car les vaccins fabriqués en Chine offrent une protection plus faible que les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna.

Dans une étude menée lors de la poussée d’Omicron à Hong Kong, deux doses du principal vaccin domestique chinois, Sinovac, n’étaient efficaces qu’à 58% contre le Covid grave ou la mort chez les personnes âgées de 80 ans et plus. Deux doses de Pfizer-BioNTech, en revanche, étaient efficaces à 87 % dans le même groupe. Une étude antérieure au Brésil a également révélé que deux doses de Sinovac n’étaient efficaces qu’à 61% pour prévenir les décès de Covid.

Ces résultats ont cimenté l’impression parmi les scientifiques que les injections chinoises, qui reposent sur des virus tués pour déclencher une réponse immunitaire, sont en fait un vaccin à trois doses plutôt qu’à deux doses.

Pour compliquer les choses, la dernière grande poussée de vaccination en Chine a eu lieu au printemps, un intervalle de huit mois ou plus depuis la dernière dose pour de nombreux receveurs.

Cela pourrait mettre une brèche dans leurs défenses immunitaires. Une étude en Malaisie a révélé que si le vaccin Pfizer-BioNTech a obtenu une protection relativement stable contre les admissions en soins intensifs trois à cinq mois plus tard, l’efficacité du vaccin Sinovac contre les admissions en soins intensifs est tombée à 29% contre 56% au cours de cette période.

Les vaccins chinois se comparent relativement bien aux autres vaccins Covid non ARNm du monde, a déclaré le Dr Paul Hunter, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université d’East Anglia en Angleterre. Mais rouvrir le pays si longtemps après la dernière campagne de vaccination pourrait être préjudiciable.

“Je pense que c’est plus un problème que la qualité” des vaccins chinois, a déclaré le Dr Hunter.

Les lacunes en matière de vaccination dans la population âgée de Chine sont d’autant plus flagrantes que le pays a atteint une couverture relativement solide dans l’ensemble. Près de 90% de la population a reçu une série de vaccins primaires, comprenant généralement deux doses de Sinovac ou Sinopharm, un autre vaccin fabriqué en Chine.

La disparité résulte en partie d’une théorie dépassée selon laquelle tant que les Chinois les plus jeunes et les plus actifs seraient immunisés, le pays pourrait établir une sorte d’immunité collective et protéger les personnes âgées, a déclaré Andy Chen, analyste basé à Shanghai chez Trivium, une société de conseil. .

Les personnes âgées en Chine évitent souvent les risques pour la santé, a déclaré M. Chen, et donc les chances d’effets secondaires même mineurs du vaccin peuvent avoir semblé menaçantes pour beaucoup. La réticence de la Chine à fournir des données sur l’efficacité et les effets secondaires de ses vaccins a créé un vide dans lequel ces inquiétudes ont prospéré, ont déclaré d’autres experts. La désinformation sur les effets secondaires s’est propagée sur les réseaux sociaux chinois.

Et tandis que les responsables de la santé ont encouragé les personnes âgées atteintes de maladies chroniques à se faire vacciner, les vaccinateurs sont souvent réticents à les administrer sans avoir accès aux antécédents médicaux des receveurs plus vulnérables.

La stratégie « zéro Covid » n’a fait que compliquer la campagne de vaccination. En limitant les infections, il a sauvé des vies mais a également érodé le sentiment d’urgence de nombreuses personnes âgées quant à la nécessité d’un vaccin.

L’accent mis sur l’écouvillonnage de la gorge au lieu d’administrer des injections a attiré davantage l’attention sur la campagne de vaccination. Au lendemain d’une vague printanière, la Chine a érigé des dizaines de milliers de cabines de test dans des villes comme Shanghai et Pékin et construit d’immenses installations pour isoler des millions de personnes. Le taux de vaccination a stagné.

“Il y a toujours une pénurie de personnel dans le système de santé”, a déclaré Xi Chen, professeur agrégé de santé publique à l’Université de Yale. “Les gens m’ont dit à l’époque qu’on leur avait dit de se concentrer sur les tests de masse.”

La Chine a déclaré cette semaine qu’elle renouvellerait ses efforts pour vacciner ses citoyens les plus âgés, annonçant des mesures pour utiliser des stations de vaccination mobiles, apporter des vaccins dans les maisons de soins infirmiers et faire du porte-à-porte pour atteindre les plus vulnérables, selon un communiqué du National Health du pays. Commission.

Mais certains experts, comme Yanzhong Huang, spécialiste de la santé mondiale et chercheur principal au Council on Foreign Relations, ont exprimé leur scepticisme quant au fait que cette décision était bien plus que du bout des lèvres.

“Il s’agit de bricoler avec l’approche actuelle”, a-t-il déclaré. “Mais cette approche n’a fondamentalement plus aucun sens du point de vue de la politique de santé publique.”

Les autorités n’ont pas fourni de plan détaillé pour les nouveaux efforts et se sont abstenues d’imposer les vaccinations. Aussi puissants que soient les dirigeants du pays, forcer les personnes âgées à se faire vacciner est considéré comme une portée excessive potentielle, ont déclaré des experts, entraînant le risque d’une réaction violente du public.

“Du point de vue d’un responsable du gouvernement local, si même une seule personne meurt des effets indésirables des vaccins, c’est du sang sur vos mains”, a déclaré M. Chen, analyste de Trivium. “C’est vraiment difficile de s’en remettre.”

Si les cas continuent d’augmenter, les lacunes dans la couverture vaccinale pourraient peser davantage sur les hôpitaux qui pourraient également avoir besoin de faire face à une saison hivernale de rhume et de grippe. La Chine compte moins de lits de soins intensifs par habitant que de nombreux autres pays asiatiques.

Le pays a déjà fait face à des pénuries de médecins et d’infirmières, en particulier dans les zones rurales, en déplaçant les agents de santé d’une province à l’autre lorsque le virus a éclaté. Un torrent national d’infections Omicron rendrait cela impossible.

Une étude de l’Université Fudan de Shanghai en mai a mis en garde contre un “tsunami” de cas de Covid et environ 1,6 million de décès si la Chine abandonnait sa politique “zéro Covid”. La Chine a depuis acquis plus d’options pour les traitements antiviraux. Mais sa capacité hospitalière est suffisamment limitée pour qu’une levée soudaine des restrictions «zéro Covid» créerait encore une crise sanitaire, a déclaré Ben Cowling, professeur d’épidémiologie à l’Université de Hong Kong.

Étant donné qu’il est inévitable que les cas augmentent à chaque réouverture de la Chine, Yang Yang, professeur agrégé de biostatistique à l’Université de Floride, a déclaré que les efforts “pour préparer le système médical” étaient une priorité. Il y a déjà des signes que les dirigeants se détournent de la construction d’installations de quarantaine pour renforcer leurs meilleurs hôpitaux, a-t-il ajouté.

Le retrait pataugeant de la Chine de la phase d’urgence de la pandémie contraste avec les sorties effectuées par des endroits comme la Nouvelle-Zélande et Taïwan. Là-bas, les confinements ont permis de respirer pendant que la population était vaccinée ; lorsque les mesures ont été levées, les décès ont augmenté, mais à des niveaux bien inférieurs à ceux de pays comme les États-Unis.

Jusqu’à présent, la stratégie de la Chine a également limité les décès de Covid, ont déclaré des scientifiques, mais sans également cartographier une sortie des restrictions.

« Les restrictions et les verrouillages peuvent aider à gagner du temps pour mettre en place des mesures de santé publique cruciales et sauver des vies, mais ils ne constituent pas une stratégie de sortie en eux-mêmes », a déclaré Jeremy Farrar, directeur de Wellcome, une fondation mondiale pour la santé.

La Chine, qui a rejeté les vaccins Pfizer et Moderna, semble s’appuyer sur l’espoir d’alternatives à l’ARNm fabriquées localement. Les scientifiques du gouvernement ont mené un essai en tête-à-tête de plus d’une douzaine de nouveaux candidats vaccins, y compris certaines doses d’ARNm, ont déclaré des experts.

Les données publiques sont rares, mais l’Indonésie a récemment autorisé l’injection d’ARNm de la Chine, et certains fabricants de vaccins semblent se rapprocher de la demande d’autorisation auprès des autorités chinoises.

“La formulation d’un vaccin à ARNm correct a peut-être pris quelques coups au but, mais les premières données suggèrent qu’elle va dans la bonne direction”, a déclaré James Bellush, expert en sciences médicales chez RTW Investments à New York.

Les hauts dirigeants chinois ont signalé qu’ils reconnaissaient que leur approche globale de la lutte contre le virus avait un impact économique et social de plus en plus important, appelant à des mesures pour ajuster ce qui était une approche « taille unique ». Ces derniers jours, plusieurs villes ont assoupli certaines de leurs restrictions les plus sévères à la suite d’une vague de manifestations de masse.

Vendredi, les responsables de la santé de Guangzhou, dans le sud de la Chine, ont publié un guide sur les médicaments pour aider à soulager les symptômes de Covid, signe que la ville pourrait se préparer à aider les habitants à faire face au virus au lieu d’essayer d’éradiquer toutes les infections. Une autre ville, Tianjin, a entièrement rouvert son système de métro et a annoncé que les passagers ne seraient plus tenus de montrer un résultat de test PCR négatif dans les 72 heures précédentes.

Mais il semblait encore y avoir un débat sur la question de savoir si renoncer aux restrictions de Covid était la bonne approche. Dans la ville de Jinzhou, dans le nord-est de la Chine, dans la province chinoise du Liaoning, des responsables ont déclaré avoir déjà commencé à assouplir certaines mesures mais toujours repoussé l’abandon de la stratégie “zéro Covid”.

“Nous n’avons pas besoin d’abandonner nos défenses lorsque nous pouvons atteindre zéro, en évitant les infections à grande échelle”, ont déclaré des responsables.

David Pierson et Keith Bradsher contribué aux rapports et Olivia Wang contribué à la recherche.